Qu'est qu'un collage en Art-thérapie?
Article extrait du Magazine - Psychologies -
Images découpées dans les magazines, photos, morceaux de tissus :
les collages sont à la fois des créations artistiques et les miroirs de nos états d’âme.
Ils peuvent aussi être des alliés pour nous soutenir dans la traversée des moments difficiles.
Quatre “colleuses” se racontent en commentant leur composition.
Des collages miroirs
Pour certains, ils évoquent un hobby d’adolescent.
Pour d’autres, les créations raffinées de Christian Lacroix, Peter Beard ou Max Ernst, quelques-uns des
nombreux artistes qui s’y sont adonnés.
En réalité, les collages sont tout cela, et bien plus encore.
Utilisés depuis longtemps en art-thérapie ou dans les services psychiatriques, ils s’imposent partout
et accompagnent la vogue des journaux intimes et carnets de voyages.
Dans la formation, le coaching individuel, les séminaires en entreprise, etc., on "colle".
Là où l’on se cherche, là où l’on veut comprendre ses désirs cachés, exprimer ses difficultés
relationnelles, on "colle".
On s’en sert également en complément d’une thérapie :
ainsi, qui se lance dans des séances de rêve éveillé ou de "dialogue intérieur" peut se voir proposer
par son psy quelques exercices de ce type à faire à la maison, dans le but d’approfondir une découverte
sur soi ou d’aller plus loin dans son histoire.
Les collages sont à la fois des miroirs de nos états d’âme et de formidables supports pour les exprimer.
« Ils nous donnent à voir une représentation de qui nous sommes à un moment donné »,
résume Luc Favard, "colleur" depuis plus de douze ans, féru de psychologie transpersonnelle, et
passionné par les recherches de Jung.
Cet artiste – « et non psychothérapeute », précise-t-il – vient de mettre en place un atelier ouvert
à tous.
Dans l’ambiance calme et chaleureuse d’une ancienne serrurerie de Saint-Mandé (Val-de-Marne), sur
fond musical subtil, dans une odeur de colle, avec partout des piles de magazines et revues en papier
glacé, il a créé les conditions pour que chacun puisse plonger en soi et faire naître une production
singulière.
Une atmosphère ludique, concentrée, d’où émergent des moments de doute et d’hésitation,
parfois des élans de joie face à l’œuvre personnelle qui s’accomplit.
« Beaucoup de participants sont profs ou travaillent dans la relation d’aide.
Ils sont en recherche », commente Luc Favard.
Par exemple Irène, 32 ans, qui, depuis des années, découpait dans les magazines les images qui la
touchaient sans savoir qu’en faire : « Je ne pensais pas être capable d’arriver à ça ! » s’exclame-t-elle
en terminant son collage.
Ou Angèle, 54 ans (voir son témoignage plus bas), qui fait des compositions pour les offrir au moment
des naissances, des mariages…
Luc Favard relance la réflexion des participants, commente le choix des couleurs,
la structure qui se dessine. Jamais il n’interprète.
Chacun peut ainsi s’approprier ses propres découvertes, laisser reposer les
messages qu’il croit lire sur sa planche, un travail intérieur de prise de
conscience se fait de toute façon.
S’il n’est pas vraiment un art, le collage s’en rapproche quand il
« rend visible ce qui était de l’ordre de l’invisible »
selon la définition du peintre Paul Klee :
« Regarder un collage nécessite de prendre du recul
– de haut, et de tous les côtés –
afin de se laisser décrypter… comme la vie. »
Les vrais adeptes l’utilisent de façon quasi "hygiénique" :
« J’en ai toujours un en cours sur ma table
de travail, avoue Luc Favard. Et si je n’en fais pas pendant quelque temps, je me sens
mal dans ma
peau. » Outil thérapeutique, loisir réparateur ou démarche artistique ? Peu importe,
puisque dans
tous les cas, il apporte.
TÉMOIGNAGES
Pascale, 42 ans, antiquaire
Revenir à l’essentiel
« Je me suis inscrite à un atelier de deux jours.
Quand je suis arrivée, je me sentais déchirée entre plusieurs dimensions de ma vie :
avoir du temps pour moi, pour mon fils, mon travail, mon couple, ma famille…
En commençant à découper des images, je me suis demandé :
“Que dois-je faire passer en premier ?”
Bizarrement, je ne découpais que des photos rouges ou vertes… Je m’apprêtais à faire
deux tas, quand j’ai réalisé que la chambre à coucher que je partage avec mon compagnon est décorée
en rouge et vert.
J’ai eu un déclic.
Mon couple, notre histoire d’amour, tout le chemin parcouru ensemble…
Je me suis rappelé que, cette année, nous fêtions nos dix ans de mariage et que nous n’avions
rien prévu pour le célébrer.
J’ai commencé à disposer les photos en y pensant.
Peu à peu, l’idée que ce collage pouvait s’apparenter à un autel, une façon pour moi de
célébrer ce lien, s’est imposée.
J’ai ajouté des photos :
du jour de notre mariage, de notre petit garçon déguisé en Africain, de bâtons
d’encens…
Puis, j’ai collé des cœurs en strass rouge.
Tout en réalisant cette planche, je sentais monter en moi la profondeur de mes sentiments.
L’essentiel m’était rappelé. »
Fatima, 47 ans, infirmière
Traverser un deuil
« C’est un collage de colère.
Il y a quelques années, j’ai perdu mon frère aîné que j’aimais beaucoup.
Il est mort d’un infarctus, soudainement.
Je me suis retrouvée en état de choc…
Il m’a fallu du temps pour que je me remette à faire des collages, une activité que j’avais
pratiquée en complément d’une thérapie et qui m’apportait beaucoup jusque-là.
Cela impliquait pour moi de “descendre” dans des zones très douloureuses, j’appréhendais.
Puis, petit à petit, j’ai recommencé.
Le collage m’a aidée à comprendre que la traversée du deuil n’est pas linéaire :
on passe de la colère au chagrin en quelques jours.
Ça désoriente beaucoup.
J’ai construit celui-ci avec des images d’écartèlement, de déchirure.
Je me sentais comme la fille par terre, en bas à gauche, sous la patte d’un cheval.
J’étais écartelée entre la nécessité de continuer à vivre et l’envie de mourir pour
rejoindre mon frère.
“Comment vais-je faire ?”
se lamente la femme en blanc.
Mais dans un coin, on aperçoit la lueur rassurante de la bougie, et il y a ce visage
penché de profil…
Je pense qu’il représente la “colleuse”, cette part qui prend du recul pour regarder
ce qui se passe en soi.
C’est en cela que la série de collages que j’ai réalisée pendant ces mois de deuil m’a
aidée :
j’ai pu traverser mes émotions sans me laisser submerger par elles. »
Angèle, 54 ans, éducatrice
Guérir d’une tragédie familiale
« J’ai vécu toute mon enfance avec
les fantômes de six oncles et tantes morts en camp de concentration.
Mes parents étaient très dépressifs, et moi, j’avais l’impression de ne pas pouvoir dire
cette souffrance.
J’ai découvert le collage dans le cadre d’une formation professionnelle.
Peu à peu, les images que je découpais ont remplacé les mots qui ne me venaient pas.
J’ai réalisé des collages qui ne
“parlaient“ que de la Shoah
et j’ai eu besoin d’agir, de savoir.
J’ai entamé un gros travail de recherche sur la déportation juive à Champigny-sur-Marne,
d’où était partie ma famille.
Puis, en août dernier, j’ai réalisé ce collage.
Je l’ai intitulé “Ici et là-bas”.
Il marque la séparation entre moi, qui suis de l’autre côté, en bas, et eux, qui sont partis
dans le camp, représentés en haut.
J’y ai placé de l’espoir, de la vie, avec un petit peu d’herbe verte en bas à gauche.
Les rails symbolisent aussi cette distance entre nous. L’homme sans visage m’évoque l’idée de ne plus
être envahie par tous ces morts…
J’ai pu, grâce à ce travail, laisser partir ces fantômes vers leur destin.
Je suis sortie de la fusion et de la confusion avec les autres générations. »
Ann, 51 ans, art-thérapeute
Donner forme à ses désirs
« J’utilise ce collage comme une planche de “travail”, il me rappelle tout ce que je veux voir arriver
dans ma vie.
Je l’ai accroché dans ma penderie : dès que j’ouvre la porte, je le regarde et “j’absorbe”
ce qu’il contient.
Il y a vingt ans, j’ai lu le livre de Shakti Gawain, Techniques de visualisation créatrice
(J’ai lu, 2001). dans lequel elle suggère de faire sa “carte au trésor”, une composition contenant tous
nos rêves secrets…
Beaucoup d’événements que j’avais imaginés se sont accomplis.
J’ai même découvert le sens de certaines images auxquelles je n’en donnais a priori pas. Ainsi, à la
veille d’un voyage, j’ai collé une photo de deux mains jointes.
Quelques semaines plus tard, je commençais une histoire d’amour avec un magnétiseur qui guérissait
justement avec ses mains.
En haut à droite, j’ai écrit en suédois, ma langue natale :
“Enfin, j’ai du succès”,
et je me suis représentée dans un atelier ouvert sur un jardin, car je cherchais un lieu
comme ça pour travailler ma peinture.
Il y a quelques semaines, j’ai eu une proposition pour partager un local. La pièce donne sur une petite
cour.
Je crois que, une fois de plus, ce dont j’ai rêvé est en train de se manifester. »
A FAIRE SEUL(E)
POUR RÉALISER VOTRE COLLAGE
- Réunissez les fournitures dont vous aurez besoin:
feuilles de papier épais, ciseaux, cutter, colle, pastilles amovibles (Patafix), piles de journaux,
magazines, photos personnelles, cartes postales, etc.
- Prévoyez un long moment de disponibilité totale (au moins deux heures).
Favorisez calme mental et état de relaxation, et feuilletez des magazines en découpant sans
réfléchir les images, les photos et les mots qui vous touchent.
- Disposez les éléments découpés sur une feuille. Commencez par les fixer avec les pastilles
amovibles. Puis, lorsque vous êtes sûr de votre choix, collez-les. Vous sentirez intérieurement
lorsque votre collage sera terminé… Si, à un moment, vous êtes bloqué dans votre inspiration,
laissez-le reposer. Vous trouverez souvent l’image qui vous manque dans les jours qui suivent.
- Datez votre collage. Vous pouvez le montrer et parler avec des proches de ce qu’il vous évoque,
ou écrire vos impressions.
Source de la photo: art-therapie-lille.com
Source de la photo: arttherapiedynamique.blogspot.com
Source de la photo: elotusepanoui.fr
Source de la photo: https://fr.pinterest.com/kity0312/art-th%C3%A9rapie/
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