- Grossesse après chirurgie de l’obésité : comment limiter les risques de complication? -
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Pau, France — La grossesse après une chirurgie bariatrique reste une grossesse à haut risque, même si la perte de poids permet de limiter les complications liées à l’obésité.
Au cours d’une intervention au congrès Infogyn, le Dr Nathalie Ronci (CHU de Bordeaux) est revenue sur les précautions à prendre chez les femmes opérées souhaitant concrétiser un désir d’enfant
En près de dix ans, 300 000 chirurgies bariatriques ont été réalisées en France.
« Ce type d'intervention est en progression constante. Actuellement, on enregistre 50 000 opérations par an, qui concernent des femmes dans 80% des cas. La moitié d'entre elles sont en âge de procréer »,
indique le Dr Ronci.
La chirurgie bariatrique préconceptionnelle permet de réduire certaines complications liées à l'obésité.
Elle est notamment associée à une baisse du risque de diabète gestationnel et de macrosomie.
« Les enfants sont également moins à risque de devenir obèse ou de développer des complications métaboliques »,
ajoute l’endocrinologue.
Pour ces femmes se pose la question du délai à respecter avant d'initier une grossesse. Les études, généralement rétrospectives, sont encore contradictoires.
Certaines suggèrent d'initier une grossesse tôt, pour éviter les répercussions des carences nutritionnelles de la mère.
D'autres sont plutôt en faveur d'un délai plus long.
« En analysant la littérature, il est surprenant de constater que la plupart des études comparant les délais avant et après 12 mois ou 18 mois ne sont pas forcément défavorables à un délai court »,
souligne l'endocrinologue.
« Il n'apparait pas plus risqué d'avoir une grossesse la première année qui suit l’opération. »
C'est ce que suggère notamment une petite étude danoise, qui s'est penchée sur les grossesses de 71 femmes opérées par by-pass gastrique. Que la grossesse soit initiée avant ou après un délai de 18 mois, il n'est pas apparu de différence sur le nombre de naissance prématurée ou le taux de macrosomie.
En revanche, une étude rétrospective plus large, menée par une équipe américaine, entre 1980 et 2013, sur près de 1 900 grossesses après chirurgie bariatrique, montre un risque plus élevé de complications maternelles et périnatales pendant les deux premières années.
Comparativement aux enfants nés après grossesse débutée dans un délai supérieur à quatre ans après chirurgie, ceux issus d'une grossesse initiée moins de deux ans après avaient un sur-risque de prématurité (respectivement 11,8% contre 17,2%) et étaient plus à risque de retard de croissance intra-utérin (9,2% et 12,7%).
Toutefois, la grande majorité des études sont observationnelles.
« Il est difficile de se prononcer sur le délai idéal, en raison de l'absence d'étude prospective.
Par ailleurs, beaucoup de travaux ne prennent pas en compte les malformations fœtales, potentiellement liées aux carences nutritionnelles, et le type de chirurgie n'est pas toujours décrit »,
souligne le Dr Ronci.
Selon les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), la contraception est nécessaire
« pendant 12 à 18 mois après l’intervention ».
« La contraception orale est d'ailleurs déconseillée pour ces femmes, rappelle l'endocrinologue.
Il est plutôt recommandé d'utiliser l'implant contraceptif hormonal ou le dispositif intra-utérin. »
Dans tous les cas,
« il reste plus prudent d'attendre la stabilisation du poids »,
estime-t-elle, en sachant que la perte de poids survient essentiellement dans les deux ans qui suivent l’opération.
« Ceci afin d'éviter d'avoir à la fois les complications liées à l'obésité et celles pouvant survenir après la chirurgie. »
« Ces grossesses sont à considérer comme étant à haut risque »,
même si les patientes ne sont plus obèses après le traitement.
« Chez ces femmes, la grossesse doit être planifiée et elles devront bénéficier d'une surveillance renforcée, si possible en impliquant l'équipe chirurgicale. »
Il reste, en effet, difficile de diagnostiquer les complications digestives d’une chirurgie bariatrique chez les femmes enceintes.
« Les signes cliniques, comme les nausées, les vomissements et les malaises, sont souvent les mêmes que ceux liés à la grossesse. Par conséquent, tout signe doit mettre en alerte. »
Par ailleurs, pour réduire le risque de malformation ou de retard de croissance intra-utérin, il est recommandé d'effectuer un bilan sanguin pré-conceptionnel et de corriger les éventuelles carences nutritionnelles, avant la grossesse.
« Le bilan est à renouveler tous les trimestres, pendant la grossesse, voire plus en cas de carences. »
Une supplémentation en vitamine spécifique
En 2015, l'équipe du Dr Cécile Ciangura, nutritionniste au centre intégré de l'obésité de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP, Paris) a proposé une supplémentation vitaminique spécifique pour une grossesse après chirurgie bariatrique (hors carences).
En cas de by-pass gastrique ou de sleeve (lorsque la grossesse survient la première année postopératoire), le traitement comprend:
- Un comprimé de polyvitamine avec iode ;
- Un comprimé de polyvitamine avec zinc ;
- Un comprimé d'acide folique 5 mg jusqu'à la fin du premier trimestre ;
- Deux doses de calcium à 500 mg, associées à 440UI de vitamine D ;
- Une ampoule de vitamine B1 à 100 microg à boire tous les 15 jours.
En cas de sleeve gastrique ou d'anneau, après la première année, il comprend:
- Un comprimé de polyvitamine avec iode ;
- Deux comprimés contenant du fer ;
- Un comprimé d'acide folique 5 mg jusqu'à la fin du premier trimestre ;
- Une ampoule de vitamine B1 à 100 microg à boire tous les 15 jours.
Le bilan sanguin
inclut les mesures de l'albumine, la ferritine, les folates sériques et érythrocytaires, le calcium, le potassium, les vitamines A, C, K, B1, B12 et D.
« Les carences nutritionnelles sont généralement plus fréquentes avec la chirurgie par by-pass gastrique. »
Pour éviter le risque de malformation fœtales,
« il faut maintenir la supplémentation en vitamine, tout au long de la grossesse »,
insiste le Dr Ronci.
Pour rappel,
« la carence en vitamine K peut induire des hémorragies cérébrales chez les nouveau-nés
et
le manque de vitamine A est lié à une malformation des yeux ».
Prudence également en cas d'allaitement.
« Des cas de carence en vitamine B12 ont été décrits chez des nouveau-nés nourris exclusivement au lait maternel.
La mère présentait un déficit pour cette vitamine après chirurgie bariatrique. »